En quoi un cambriolage peut-il être un traumatisme ?
Le psychanalyste Saverio Tomasella est formel : un cambriolage, peut être un traumatisme, le mot n'est pas trop fort.
On vit une injustice
Pourquoi ? Parce que cet évènement est complètement injuste. Lorsque l'on est en conflit avec quelqu'un, si la personne devient mauvaise, le désaccord peut se transformer en vengeance… Ca ne veut pas dire que l'on en souffre moins, mais dans le cas d'un cambriolage, il n'y a aucune explication à ce qui nous arrive.
On vit une injustice : pourquoi moi, pourquoi on vient toucher et prendre MES affaires ?
On a à la fois la dimension de mauvaise surprise (on ne s'y attend pas quand on rentre chez soi et que l'on découvre ce qu'il s'est passé), et la dimension de l'effraction (le plus souvent, on a une fenêtre ou une porte violentée, l'intrusion peut être violente).
On viole notre intimité
Dans de nombreux témoignages, les personnes qui ont été cambriolées, parlent de "viol". Car des inconnus entrent dans leur intimité, en mettant par exemple leurs mains dans leurs affaires personnelles, même des choses très simples (comme des livres, des vêtements ou même de la nourriture), mais ce sont des objets "intimes", car on vit avec au quotidien, c'est ce qui est très perturbant.
On est dépossédé de ce qui nous appartient
Il y a aussi la question du vol : on nous dépossède d'affaires qui sont à nous, on se sent manquant.
Même si on n'est pas matérialiste, il y a une perte d'objets de valeur, des outils de travail ou de communication (l'ordinateur par exemple), des objets qui ont une valeur sentimentale aussi, car ils sont liés à des relations, des personnes, des souvenirs.
La perversité de certains cambrioleurs
Lorsque tout est dans un très grand désordre, que tout est mis à sac, cela renforce encore le traumatisme.
Il y a parfois même des cambrioleurs pervers, sadiques, qui vont, en plus de l'intrusion et du vol, prendre le temps de mettre des inscriptions, vont salir, souiller l'intérieur. Une espèce de cruauté supplémentaire, qui bien souvent, renforce encore un peu plus le traumatisme des victimes.
Cambriolage : les étapes du traumatisme
Saverio Tomasella nous détaille les différentes étapes par lesquelles nous passons lorsque l'on vit un traumatisme. On retrouve ces différentes phases, que ce soit dans le cas d'un cambriolage ou lors de tout autre évènement traumatisant.
Étape 1 : la violence de l’évènement provoque "une onde de choc". Elle plonge l’individu dans la stupeur et l’immobilise (on parle de paralysie physique).
Étape 2 : l’impact se manifeste d’abord par une effraction, qui dès lors crée une brèche dans les capacités de protection du sujet. La violence du choc s’immisce en lui, provoquant de l’effroi, un vide émotionnel et une anesthésie affective.
Étape 3 : "L’hébétude" suit l’incident, avec une forte sidération, caractérisée notamment par une incapacité à sentir et à penser (c'est la paralysie psychique).
Étape 4 : lorsque l’individu retrouve ses esprits, il passe par une phase de négation. Il refuse la réalité difficile et ne parvient pas à y croire, tant elle lui paraît impossible et irréelle (on est ici dans le déni).
Étape 5 : s'en suit une phase plus ou moins longue et intense d’agitation et de confusion, de chaos émotionnel et affectif. Les images et les sensations de l’événement douloureux s’entrechoquent et assaillent le sujet.
Étape 6 : vient un moment de grand relâchement, d’épuisement et d’effondrement, avec une profonde et lourde tristesse, un fort abattement, voire une période de dépression.
Étape 7 : la métabolisation du traumatisme ne commence qu’après, notamment par une longue période de deuil, indispensable, puis par la possibilité de proposer un récit personnel concret, clair et précis, de l’événement, autant que de son impact subjectif (physique, émotionnel, psychique).
Cambriolage : que faire ?
Demander de l'aide très rapidement
La première chose à faire est évidemment de demander de l'aide, à un voisin, une voisine, et tout de suite, et de prévenir une personne proche, pour ne pas rester seul.
Se tourner vers une instance officielle
Ensuite, le fait de faire une déclaration à la police, de témoigner auprès d'une instance officielle est déjà thérapeutique. Là, on demande réparation, une façon d'extérioriser la violence qui nous a été faite. Il y a des lois pour faire valoir le prejudice qu'on a vécu, il est important donc d'y avoir recours, même si on a souvent en tête qu'on ne retrouvera jamais ce que l'on nous a volé.
Soigner son corps et son esprit
Si la personne qui a vécu ce cambriolage est très choquée, il ne faut pas hésiter à aller voir son médecin ou un thérapeute, car comme nous l'avons vu précédemment, dans la description du traumatisme, cela n'est jamais anodin et il est important de prendre soin de soi, car il y a eu un choc.
Parler à un thérapeute peut faire beaucoup de bien : une séance suffit pour vider son sac, pour expliquer ce que ca nous a fait, ce qui nous bouscule dans cet évènement, les peurs que l'on peut avoir et qui sont liées à ce traumatisme.
On peut aussi soigner le corps qui a reçu ce "choc", avec de l'homéopathie (granules d'Arnica 15CH) ou des Fleurs de Bach Rescue, à prendre toutes les 5 minutes.
Solliciter ses proches
L'effraction peut aussi nous mettre dans un état d'insécurité, qui peut s'avérer être un gros stress. On peut ressentir le besoin de dormir dans un lieu où rien ne s'est passé, pour bien dormir les jours qui suivent. Dans ce cas, ne pas hésiter à faire appel à des proches, à la famille, à des amis, on a besoin d'être épaulé, d'être rassuré.
Agir, contre le stress
Le fait d'agir suite à un cambriolage peut aider à diminuer le stress. Cet évènement est l'occasion de jeter, trier, de changer son intérieur, de changer la disposition des meubles.
Se faire un cadeau
Se faire un cadeau est une bonne idée : on s'offre une plante, un bouquet de fleurs, quelque chose de joli, qui nous remet en affection,, en harmonie avec son intérieur. Ca peut être aussi une bougie, un objet déco, qui remet un peu de douceur, du calme avec cet épisode bousculant. De manière générale, penser à des choses qui nous font du bien, prendre soin de soi : prendre un bain, écouter de la musique apaisante…
Ne pas retenir ses émotions
Le stress est réel : évacuer ses peurs, sa tristesse d'avoir perdu des choses auxquelles on tenait, et ne pas retenir les émotions qui viennent est important. Ca peut être de la colère, parce qu'on peut en vouloir à ceux qui nous on fait ça : les exprimer en pleurant, en les verbalisant. Et pourquoi pas crier un bon coup si on en ressent le besoin. Il vaut mieux que les choses sortent tout de suite.
La peur du cambriolage, sans l'avoir vécu, c'est possible ?
Certaines personnes peuvent avoir peur d'être cambriolé… Sans pour autant avoir déjà vécu cet évènement traumatisant.
Le déménagement, source de stress
C'est souvent le cas lors d'un déménagement par exemple, qui peut être source de stress important, et qui peut fragiliser le temps de s'habituer à ce nouveau lieu que l'on investie. Ce stress peut se manifester par la peur d'une effraction, d'une intrusion.
Le récit parfois plus fort que la réalité
Cette peur, d'être cambriolé peut aussi être liée à un ancien cambriolage vécu, même dans l'enfance, ou tout simplement le récit d'un proche qui a vécu un cambriolage qui les a touché.
Parfois, le récit est plus fort que ce que l'on peut vivre dans la réalité, et la simple histoire que l'on vous raconte peut marquer, et s'inscrire comme une possibilité presque fatale, ou une croyance qui anticipe l'angoisse : "Un jour, je vais vivre ça aussi".
Une peur enfouie, que l'on déplace sur la peur du cambriolage
Quand on a une peur qui se fixe sur quelque chose (ici, il s'agit de la peur du cambriolage), c'est souvent un déplacement de l'expression d'une peur plus profonde : on n'a pas vraiment peur du cambriolage, c'est une façon d'exprimer une peur plus profonde (des maltraitances vécues dans le passé).
La peur ancienne qui est souvent inconsciente va se manifester par une peur plus fréquente et moins impliquante. Une manière d'exprimer le sentiment d'insécurité dans lequel on vit.
Si ça reste ponctuel ca va, mais si cette peur est à l'origine de troubles du sommeil, consultez un professionnel.
Témoignages : elles racontent le traumatisme d'un cambriolage
"J'en garde des séquelles des années après", Clarisse, 29 ans
"J'ai vécu pendant des années au rez-de-chaussée d’un immeuble situé en plein centre d’une grande ville. Résultat : j’ai été cambriolée plusieurs fois. Un jour, les cambrioleurs se sont attaqués à ma chambre et ont volé mon ordinateur portable. Je suis devenue paranoïaque : ils avaient en leur possession toutes mes photos, tous mes souvenirs, et dès que quelqu’un me regardait dans la rue, je me disais que c’était l’un des cambrioleurs, qu’il m’avait reconnue. Ce jour-là, ils m’ont également volé des sous-vêtements : c’était pire que tout, je me sentais violée dans mon intimité.
Aujourd’hui encore, bien des années après ces cambriolages, j’en garde des séquelles : je fais très régulièrement des cauchemars dans lesquels je me fais à nouveau cambrioler, ou dans lesquels je me réveille et m’aperçois qu’un inconnu est en train de me fixer. Et je ne peux plus dormir en laissant la porte de ma chambre ouverte : elle doit impérativement être fermée ! Je me sens en sécurité dans mon appartement actuel, ce qui fait que je n’ai jamais ressenti le besoin de voir un psychologue. Mais si on me proposait d’aménager en rez-de-chaussée, j’y réfléchirais à deux fois !"
"C'était vraiment gratuit et marquant à jamais ! "Alice, 26 ans
"J'ai été cambriolée deux fois chez ma mère, dont une fois qui m'a vraiment marqué. Je rentrais de vacances, en plein mois d'août, j'étais toute seule, j'ai ouvert la porte et j'ai tout de suite senti qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Je suis quand même rentrée, et là, j'ai vu l'appartement sans dessus dessous : tout était par terre, tout était cassé, rien n'était à sa place. Et pendant une minute, je suis restée là, sans comprendre ce qui s'était passé, j'ai cherché mon chat, que j'ai trouvé et j'ai vu qu'il n'allait pas bien. J'ai su après que les cambrioleurs avaient tapé mon chat, un traumatisme de plus… Puis je me suis mise à pleurer, je pense le temps que je réalise ce qui s'était passé, parce que ca a été vraiment un très gros choc. En regardant dans les autres pièces, j'ai vu qu'ils avaient tout retourné, notamment des choses de mon intimité, mes sous-vêtements… Je me suis mise à chercher des choses auxquelles je tiens, pas forcement des trucs de valeur d'ailleurs. La police qui est venue après a été un bon soutien, parce que tu sens qu'ils sont habitués à ça. Ce qui était frustrant, c'était de ne même pas pouvoir toucher à mes propres affaires, en attendant de relever les éventuels indices, j'étais plus vraiment chez moi à ce moment-là.
D'ailleurs, les nuits suivantes je n'ai pas pu dormir chez moi car je m'étais sentir violée dans mon espace personnel, et j'avais peur, je me suis dit que je ne pourrai plus jamais dormir toute seule chez moi, c'était vraiment la peur qui dominait. Faire l'inventaire de tout ce qui avait disparu ensuite était une nouvelle épreuve : tu réalisés tout ce que tu ne retrouveras sans doute jamais. Ca m'a pris quand même quelque temps pour reprendre mes marques à la maison. Avant de me resservir de mes affaires, j'ai lavé tout ce qui restait : je n'avais aucune envie de remettre des vêtements touchés par quelqu'un d'autre.
Aujourd'hui encore, j'ai l'image de mon intérieur saccagé… Je ne comprends pas, tu n'as pas besoin de casser de la vaisselle, de tout détruire, pour voler. C'était vraiment gratuit et marquant à jamais !"